CRIME CONVERGENT : DROGUE ET ENVIRONNEMENT
Crédit photo : IBAMA
Une analyse par Green Ghost, à partir de l’article publié par TalkingDrugs (28 mai 2025)
🔗 Source originale : How Crime Exploits the Environment – TalkingDrugs.org
À l’approche de la COP30 à Belém (Brésil), une convergence d’expertises issues des milieux de l’environnement et de la politique des drogues éclaire un phénomène grandissant : l’interconnexions entre le trafic de drogue et la criminalité environnementale. L’article publié par TalkingDrugs, en partenariat avec la Plataforma Brasileira de Política de Drogas, met en lumière les liens entre politiques antidrogue, réseaux criminels organisés et dégradation environnementale.
Chez Green Ghost, nous estimons que cette convergence n’est pas fortuite mais stratégique. Elle met en évidence un système criminel global dans lequel les ressources naturelles deviennent des vecteurs non négligeables pour des économies illicites.
Un double marché : nature et drogues
Les groupes criminels organisés (GCO) ne cloisonnent plus leurs activités. L’époque du cartel strictement « narco » appartient au passé. Aujourd’hui, les groupes armés, les mafias et les réseaux transnationaux adoptent une approche hybride : une même route logistique peut transporter de la cocaïne, du bois illégal, de l’or extrait au mercure, voire des espèces animales protégées.
L’Amazonie illustre cette mutation. Des pistes d’atterrissage clandestines sont creusées au cœur de zones protégées pour les avions de la drogue ; elles servent aussi au transport de minerais illégaux. Les groupes criminels exploitent les failles de gouvernance, s’infiltrent dans les communautés locales en se présentant comme des « employeurs » ou « protecteurs » contre l'État, et transforment l’économie forestière en économie criminelle.
Chez Green Ghost, nous qualifions cette situation de “crime convergent” : les routes, les acteurs, les financements et les structures logistiques se confondent, générant des effets systémiques.
Le “narcogarimpo” : une fusion toxique
Le terme narcogarimpo, introduit dans la publication de TalkingDrugs, désigne la jonction entre le narcotrafic et l’orpaillage illégal. Cette activité, très présente au Brésil, en Colombie, au Venezuela et au Pérou, repose sur l’extraction de l’or via des procédés toxiques (souvent au mercure), tout en alimentant des circuits financiers illicites.
À cela s’ajoute une dynamique géopolitique : certains réseaux criminels, appuyés par des élites locales corrompues ou des groupes armés (comme les dissidences des FARC ou le ELN, voire le PCC ou le CV), s’installent durablement dans les territoires en investissant dans l’équipement, la corruption institutionnelle et la violence armée. On assiste alors à une prise de contrôle insidieuse des ressources naturelles.
Un phénomène mondial, pas uniquement amazonien
Le croisement entre criminalité environnementale et drogues ne se limite pas à l’Amazonie. D’autres foyers existent :
Asie du Sud-Est : la déforestation au Myanmar et au Laos est liée à la production de méthamphétamine dans le Triangle d’or. Le trafic de bois précieux finance les milices locales.
Afrique centrale : les routes du trafic d’ivoire croisent les routes de la cocaïne venue d’Amérique du Sud et les flux d’armes destinés à des groupes armés.
Europe : des mafias recyclent les profits du trafic de drogue dans des entreprises polluantes ou dans l’abandon de déchets toxiques (ex. : ecomafias italiennes).
Ce que nous observons à Green Ghost, c’est une stratégie criminelle d’opportunisme territorial et financier : là où l’État est faible, là où la nature est riche, le crime s’installe.
Recommandations Green Ghost : anticiper les convergences
Face à ces réalités, Green Ghost propose une approche d’intelligence criminelle environnementale, reposant sur quatre piliers :
Cartographier les interconnexions : repérer les zones à forte valeur environnementale où convergent plusieurs flux illicites.
Cibler les infrastructures criminelles : logistique, routes clandestines, blanchiment.
Renforcer la capacité des acteurs locaux : offrir du renseignement exploitable aux forces de sécurité, ONG, douanes et agences environnementales.
Inclure les crimes environnementaux dans les cadres de lutte contre la criminalité organisée transnationale, conformément aux objectifs de l’ONUDC.
La nature n’est pas seulement victime. Elle est devenue un champ stratégique où s’affrontent réseaux criminels, forces de sécurité et populations civiles. L’enjeu n’est pas seulement écologique : il est sécuritaire, économique et géopolitique.
Avec Green Ghost, nous travaillons pour que la criminalité environnementale cesse d’être un sujet périphérique. Elle doit être au centre des politiques publiques, des stratégies de renseignement, et des efforts conjoints entre ONG, gouvernements et entreprises. Car défendre la nature, aujourd’hui, c’est aussi défendre la souveraineté, la sécurité, et la paix.